Exceptionnelle redécouverte de Charles WISLIN (1852-1932)
Trois générations plus tard, nous nous devions de rendre hommage à ce patriarche charismatique. Ce grand « paysagiste » était proche de ses célèbres contemporains. Présente dans le mouvement de Barbizon, son oeuvre s’inscrit dans l’époque du réalisme. Une imposante partie de son atelier, soigneusement gardée en l’état par la famille depuis un siècle, méritait d’être révélée.
Les arrière-petits-enfants Wislin
Façade de l’hôtel particulier 28, rue Ballu Paris 9e Charles Wislin avec son épouse Juliette et leurs quatre enfants (1892) Il est rare de découvrir l’atelier d’un peintre du XIXe siècle où la plupart des oeuvres ont été conservées telles qu’elles étaient - sans doute - à l’heure de la disparition de son auteur. La majeure partie des oeuvres de cette vente, sont donc pour la première fois, présentées au public contemporain. Certaines ayant été exposées au cours de salons et expositions très fréquentés au début du siècle dernier, cette collection exclusive aura certainement pour les amateurs une fraicheur inédite ! Ce catalogue présente des travaux réalisés par Wislin entre 1879 et 1917 et démontre sa remarquable sensibilité et habileté à retranscrire les atmosphères de bords de mer, les crépuscules en montagne ou les ambiances champêtres. Sur près de quarante ans, cette collection nous offre l’opportunité d’admirer la richesse des talents de l’artiste et son évolution dans le temps.
L’atelier du peintre
Charles Wislin, peintre de paysage, s’inscrit dans le mouvement post-impressionniste notamment en raison de sa technique et de son goût pour la peinture en plein air. Il est l’élève de Jules Noël, puis de Jean-Paul Laurens, son second maître. Emule des barbizonniens à ses débuts, il utilise une palette plus claire et plus haute que celle des amis de Théodore Rousseau. Ses paysages de France montrent une disposition particulière pour la recherche sur la lumière et l’éclairage changeant en fonction des heures et des saisons. Progressivement, Wislin introduit dans ses compositions des recherches de cadrages et une touche plus proche de celle des impressionnistes. Reconnu du public de son vivant, ses oeuvres sont exposées à de nombreuses reprises aux salons des Peintres Français, des Indépendants ou encore à l’Exposition Universelle où l’une de ses oeuvres fut primée en 1889. Ce peintre est remarqué dès 1886 par Guy de Maupassant qui écrira à propos du salon dans Le XIXe siècle, le 10 mai 1886, « une petite charrue abandonnée est peinte avec un grand talent par M. Wislin ».
Charles Wislin peignant sur le motifFranc-comtois d’origine, Charles Wislin est le fils de Joseph Wislin (1804-1893), pharmacien chimiste à Gray. La fortune familiale étant assurée par les brevets pharmaceutiques de son père (conservation de produits alimentaires, dont la viande en 1832, etc.), Charles peut, sans contrainte pécuniaire, se dédier à son art à l’issue de ses études de droit. Il mène une vie aisée dans l’hôtel particulier d’inspiration flamande qu’il fait construire et qui porte toujours son initiale « W » en façade au 28, rue Ballu dans le 9e arrondissement. Il y installe son atelier, au coeur de la Nouvelle Athènes, nom justifié par l’architecture antiquisante de ce quartier qui se concentre autour de la place Saint-Georges. Cet arrondissement est choisi dès les années 1820 comme lieu de résidence par un grand nombre d’artistes et d’intellectuels qui forment le coeur de l’élite romantique parisienne, Gustave Moreau, Victor Hugo et Chopin ou encore les artistes Pissarro, Monet mais aussi Caillebotte et Vuillard.
Charles Wislin, Dinard, 1917
Charles Wislin se consacre principalement à la peinture de paysage. Il multiplie les voyages, tant en France qu’à l’étranger : en Italie mais également en Algérie. En France, outre Montmartre, Fontainebleau et les côtes picardes, ce paysagiste amateur de photographie peint aussi la Bretagne, le vieux Saint-Servan entre autres, et son quartier de la Cité d’Aleth, la maison de l’académicien Louis Duchesne où résident sa fille Yvonne et son gendre, l’architecte Alexandre Miniac.
Une très belle série de marines bretonnes nous fait voyager de la pointe de Trégun à Ouessant et des criques de Rospico à Port Manec’h jusqu’aux côtes d’Armor. D’une touche sûre et colorée, il apprivoise les reliefs accidentés des rochers de granit et capte la lumière éphémère des éclaircies et la diversité des ciels bretons.
En Normandie, l’artiste peint les dunes de Cabourg, Yport et les alentours d’Honfleur et de Granville, notamment la pointe de Carolles et les falaises d’Etretat où il séjourne à plusieurs reprises en 1892, 1900 et 1913. Il peint de resplendissants crépuscules dans la baie de Somme, restitue des scènes de pêcheurs saisies sur le vif au Tréport et à Cayeux-Sur-Mer ainsi que les décors paysans de la campagne picarde. La dextérité de l’artiste réside dans cet immense talent à conjuguer les caractères les plus expressifs d’un lieu avec les attributs climatiques d’une certaine heure de la journée ou d’une saison donnée.
L’artiste peint également la région de Thonon-Les-Bains où il voyage en 1912. Il met son talent à décrire les sommets enneigés au déclin du jour, le lac Léman et les villages alentours. Sa sensibilité particulière lui permet de transposer en nuances très fines l’atmosphère de la nature, ses parfums et ses bruissements.
Carte d’exposant à l’Exposition Universelle Internationale, 1900
Fasciné par les couleurs versatiles des étendues et des cours d’eau, le peintre étudie les rives de l’Oise, les bords de la Seine et de la Marne ou encore du Loing. Déchargement des péniches ou barques abandonnées au bord de l’étang sont dépeintes avec sérénité et avec une véritable virtuosité à reproduire lumières et reflets. Sous-bois et forêts observés dans la région de Fontainebleau sont également peints sur le motif. Son habileté à manier les ombres et le clair-obscur s’étend alors à la forêt, aux campagnes tranquilles et aux scènes pastorales. L’artiste décrit avec une simplicité touchante, des scènes de la vie quotidienne : paysans au labour, lavandières ou gardiennes d’oies. Fortement marqué par les impressionnistes, Wislin témoigne ici de son goût pour les oeuvres de Monet que l’on perçoit particulièrement dans ses représentations de meules de foin ou de l’influence que Boudin a pu avoir sur son style et sa technique lorsqu’il représente les vaches au pâturage ou des ciels orageux.
La nature, omniprésente dans ces oeuvres, est sublimée et lumineuse à l’automne, glacée et inquiétante en hiver, les printemps fleuris et les étés étouffants, comme dans cette série réalisée à Senlis et ses environs présentée ici. Témoignage de ce goût pour le bucolique et de l’oeil acéré du photographe, l’architecture est mise en scène par des jeux délicats d’ombre et de lumière traduisant, avec poésie, le fil des saisons.
Diplôme de mention honorable décerné à Charles Wislin lors de l’Exposition Universelle de 1889Repères biographiques 4 décembre 1852 : naissance à Gray, Haute-Saône.
En 1870, le compositeur Eugène Nollet (1828-1904) lui dédie Ketty, une polka pour piano.
1880 : premières expositions au Salon des Artistes Français. Devient membre de la Société des Artistes Français.
1889 : il reçoit la mention honorable à l’Exposition Universelle de Paris.
1900 : il obtient une médaille à l’Exposition Universelle de Paris.
28 avril 1932 : décès à son domicile, 28 rue Ballu, Paris 9e.
Bibliographie générale sur l’artiste E. Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, 2002, T 14, p. 664.
Gérald Schurr et Pierre Cabanne, Les Petits Maîtres de la peinture (1820-1920), Paris, 1969.
Expositions Durant plus d’un demi-siècle, à compter de 1880, les oeuvres de Charles Wislin sont présentées dans des expositions collectives à Paris, principalement au Salon des Artistes Français et au Salon des Indépendants.
Salon des Artistes Français, Paris : 1880, 1881, 1883, 1884 (salle 27 : deux Paysages d’Etretat), 1885 (Labour d’automne en Picardie), 1890, 1891, 1893, 1895 (Le champ du repos). En 1889, il devient membre honoraire des Artistes Français.
Salon d’Etretat : été 1885, 1886, 1887, 1888 (Honfleur, salle 29), 1899 (Ciel sur Montmartre et L’église du Sacré-Coeur) et 1906.
Exposition Universelle de Paris : 1889, exposition de la toile Journée d’août sur les falaises d’Etretat, l’artiste reçoit la mention honorable et 1900.
Galerie Chaine et Simonson, Paris 9e : exposition collective en 1899.
Cercle de la rue Volney : 1901, 1902 et après1905 exposition collective avec Charles Léandre, André Devambez et Lucien-Victor Guirand de Scevola.
Salon de la Société des Indépendants : Jardin des Tuileries, Orangerie, 1906 (sept toiles dont La retenue au Tréport, Blés à Moussy, Saint-Gilles à l’Île-Bouchard, La Vienne à l’Île-Bouchard, Roches à Trestraou et Le château à Trestrignel) et 1908 (cinq toiles : La mer à Perros-Guirec, A Trestraou, Côte de Port-Manec’h, La pointe de Trévignon et La chapelle Saint-Philibert), 1909 (deux toiles : Marée basse à la baie du Hénant, Finistère et Larchant, novembre).
Salon de l’Ecole Française : Grand-Palais, Paris, janvier-février 1911, Wislin est membre du jury.
Salon d’Hiver : Grand-Palais, 1926, 1930 (six toiles dont Saint-Valery-sur-Somme, Le fort national à Saint-Malo, Le Tréport : Wislin est alors sociétaire du Salon d’Hiver) et 1933.
Galerie Jean-Pierre Chalon, 36, rue de l’Université, Paris 7e , Huiles, fin XIXe, 12 octobre au 12 novembre 1983.