LUNDI 15 AVRIL : ATELIER RAQUEL (1925 - 2014)
Raquel Levy naît à Gibraltar en 1925 et grandit à Casablanca dans une famille aisée, hispano-phone et francophone. Un cursus commencé aux Beaux-Arts de Casablanca se poursuit à Paris à la Grande Chaumière, dans les ateliers d’André Lothe et d’Henri Goetz.
Elle y éprouve la brusque révélation de l’abstrait, et s’y consacrera toute sa vie, dans une démarche de recherche de l’essentiel par effacement et simplification continues. La peinture n’est pas un but, mais le moyen de travailler à se dépouiller soi-même. Pour Emmanuel Hocquard, qui a longtemps travaillé avec elle et à côté d’elle, toutes les œuvres que Raquel a produites au long des années ne sont qu’un seul tableau, sans cesse effacé et repris.
Il est néanmoins possible de repérer dans son œuvre de grandes périodes.
De 1958 à 1964, une exploration foisonnante où la peinture est d’abord “ action picturale” et qui trouve son point d’aboutissement et de rupture dans de grands formats en rouge et en noir : “un déferlement dramatique de signes” selon Emmanuel Hocquard.
Au terme de deux années de silence, la peinture revient, mais avec des couleurs claires, des formes réduites au strict minimum. Séries de petites aquarelles lumineuses, liquides et aériennes.
Variations sur trois couleurs (gouaches de 55 x 50 cm : trois rectangles irrégulièrement ajustés et espacés), puis sur deux tons vifs et intenses séparés par une déchirure médiane et bordés d’une large bande.
De 1969 à 1972, le format ne cesse de s’agrandir jusqu’à de vastes polyptyques presque monochromes (3 x 5,70 m), “volumes chromatiques dressés et enfouis” selon Marcelin Pleynet, bleu sombre, noir-brun, rouge foncé. En 1976, la galerie Arnaud (Paris) présente une série d’œuvres sur papier et sur toile : champs de teintes claires (blanc, ocre pâle) striés verticalement, sur toute leur hauteur, deux ou trois bandes ou minces filets gris, noirs, crème.
En 1981, une série de gouaches dites Double-bleu est exposée à la galerie Garibaldi (Aix-en-Provence). Ce sont des diptyques de format moyen (65 x 100 cm), qui accolent deux plages triangulaires sombres (bleu/noir, vert/noir, bleu/bleu) en les bordant sur trois côtés (dont le bas) d’une éclatante marge blanche.
Diptyques et triptyques sont exposés à l’ARC au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1982 et à la galerie Breteau (Paris) en 1984. Une rétrospective à Caracas (Obscurité comme lumière, 1990) donne à voir vingt années de peinture.
Entre-temps, un séjour à la Villa Médicis (1988) aura permis le jaillissement de plusieurs dizaines de lumineuses études chromatiques en jaune, orange, et rouge.
L’expression picturale s’est nourrie tout au long du « travail du livre », qui relançait en retour la réflexion picturale. Un premier livre en 1969 avec le poète péruvien Antonio Cisneros. Puis, création continue à partir de 1973, année de la fondation à Paris, avec Emmanuel Hocquard, de la maison d’édition Orange Export Ltd. Le grand atelier de Raquel à Malakoff, habité aussi par Emmanuel Hocquard, fut alors à la fois lieu de rencontre (et de festivité) des écrivains édités par la maison d’édition, imprimerie artisanale, et atelier de peinture.
Parmi les livres édités, plusieurs ont été réalisés avec des écrivains, dont le Portefeuil (1973) avec Emmanuel Hocquard, Des deux mains (1976) avec Edmond Jabès, Ma destruction(1980) avec Marcelin Pleynet.
Pendant les dix années qui suivent, deux expositions sont organisées à Malakoff, un livre publié avec Jacques Dupin. En 2003, au cipM (Centre international de poésie de Marseille) une grande exposition Peinture & Poésie expose parallèlement de grands tableaux et les livres faits en collaboration avec des écrivains.
La recherche se poursuit ensuite aussi par d’autres moyens, à travers les textes de la revue Notes, entreprise de réflexion et d’édition sur la littérature, l’esthétique et le judaïsme. Fidélité, donc, à ce double cheminement qui aura traversé, tour à tour, la peinture et l’écriture.