LUNDI 1ER AVRIL : ATELIER MAURICE MAZO (1901-1989)

 
« Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition...» Marcel Proust

Celui de Maurice Mazo, le monde de ses dessins et de sa peinture, nous entraine dans la vision et la pensée exceptionnellement abondante, généreuse et exigeante d’un artiste qui tient une place très à part dans l’histoire de l’art du vingtième siècle.

Émile Othon Friesz reconnait les dons de ce jeune Oranais monté à Paris pour se consacrer à son art, Robert Humblot le tient pour le plus grand dessinateur de son temps, Jean Carton aime tout autant le grand personnage qu’il admire l’artiste. Ainsi, son œuvre est remarquée et admirée très tôt par ses pairs, soutenue par un cercle de collectionneurs enthousiastes, et fut davantage admirée du public que des milieux officiels.

L’éclatante ferveur de Maurice Mazo à défendre une libre pensée créatrice, fondée sur la connaissance de son métier, et la célébration des maîtres qu’il a passionnément étudié (particulièrement les Vénitiens, Rubens, Delacroix) expliquent sans doute le froid regard que les fonctionnaires de la Culture ont porté sur son œuvre si originale et diverse.

Il faut aussi admettre le retranchement et l’esprit de réserve d’un artiste qui a combattu davantage pour défendre ses convictions que pour établir sa notoriété. Une part importante de son œuvre ne sera d’ailleurs visible qu’après sa disparition, survenue il y a aujourd’hui trente ans.

Pendant ces trois décennies, sa nièce, Janine Guelton, unique héritière du fonds d’atelier, aconservé, entretenu et fait rayonner l’œuvre considérable, riche de centaines de peintures, dessins, aquarelles, gouaches et lithographies, laissées par son oncle à ses bons soins. Grâce au soutien constant d’un groupe d’amis, elle s’est engagée dans ce rôle avec une grande exigence de fidélité à l’esprit de l’artiste et une conscience attentive et éclairée.

Durant ces trente ans auront ainsi paru plusieurs ouvrages rassemblant des articles sur son œuvre mais aussi ses propres écrits. Il aura fallu à cette nièce devenue experte, décrypter cinquante années de son journal quotidien de « praticien de l’art»(journal aujourd’hui déposé à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris); révéler une riche correspondance (les lettres à Émile Othon Friesz, Aragon ou André Malraux sont autant émouvantes qu’historiques); éditer l’échange épistolaire de dix-huit années d’amitié entre Jeremy Cooper, jeune anglais issu d’Oxford, d’un demi-siècle son cadet, et le grand artiste solitaire, admirable recueil, chemin initiatique vers la création artistique paru sous le titre de La Beauté est une victoire; mais aussi veiller à la réédition des articles et conférences présentés dans le volume des Entretiens réalisés par Jean-Claude Yvetot.

Toutes ces parutions révèlent un grand peintre écrivain qui pendant toute sa vie d’artiste aura construit et rassemblé sa pensée pour faire front aux«littérateurs» qui ignorent le vrai travail du peintre .

L’autre tâche menée par cette ardente légataire aura été celle d’organiser, avec les musées susceptibles d’en mesurer l’importance, de grandes expositions comme celles du musée Sainte-Croix de Poitiers et du musée des Beaux-Arts de Niort en 2005; celle du musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt, du musée départemental de l’Oise de Beauvais et celui de La Piscine – musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix en 2006 et 2007; mais aussi seront réalisées deux rétrospectives à l’hôtel Salomon de Rothschild à Paris en 1999 ou au Centre d’art Présence Van Gogh à Saint-Rémy-de-Provence en 2001.

Aujourd’hui, pour la première fois, cette collection privée si précieuse est portée à l’attention du grand public dans le cadre de cette vente.

C’est donc le terme sinon le but d’un long voyage illustré par le sublime poème de Vigny:

« L’or pur doit surnager et sa gloire est certaine
Dites en souriant comme ce capitaine
Qu’il aborde, si c’est la volonté des dieux...»

Car à présent c’est bien de cela qu’il s’agit !

« Jetons l’œuvre à la mer, la mer des multitudes ...»
«...Le penseur s’isole et n’attend d’assistance
Que de la forte foi dont il est embrasé
Il lance la bouteille à la mer, et salue
Les jours de l’avenir qui pour lui sont venus »

Eve Turbat